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Pensées sur l'éducation. Alain Bouvier, 2024

Publié par Concours personnel de direction sur 9 Février 2025, 00:20am

Pensées sur l'éducation. Alain Bouvier, 2024
Pensées sur l'éducation. Alain Bouvier, 2024

Alain Bouvier est incontestablement l’un des meilleurs experts de l’Ecole. Mathématicien, ancien recteur et professeur d’université en sciences de gestion, il dresse un bilan sans concession du système éducatif français et décrit sans langue de bois toutes « nos » faiblesses, qu’il s’agisse des résultats des élèves, du sentiment de mal-être des collégiens (1), de la difficulté pour les professeurs de faire cours dans le calme (2), des rythmes scolaires, du temps de travail des professeurs, de l’absence d’une vraie politique en faveur de la formation continue des personnels, de la privatisation rampante de l’Ecole (3), de l’invisibilisation de l’enseignement professionnel ou agricole, du poids de la technostructure et de la bureaucratie, du corporatisme ou de l’inertie « des statuquologues ». Les chefs d’établissement expérimentés seront nombreux à partager ces constats, souvent éclairés par la comparaison internationale. Car l’un des mérites de l’ouvrage, c’est de décentrer le lecteur d’une approche trop franco-française, de rappeler qu’ailleurs l’année scolaire est plus longue (170 à 200 jours contre 162 en France) (4) ou que les enseignants étrangers peuvent être certes mieux payés, mais travaillent davantage dans l’année ou dans leur établissement.

L'école de "mes rêves"

Alain Bouvier n’est pas le promoteur d’une école de marché, d’une concurrence exacerbée entre collèges ou lycées, il appelle de ses vœux la fin d’une régulation verticale et top-down au profit d’une régulation intermédiaire, ancrée dans les territoires pour stimuler la coopération entre les acteurs. Son expérience et ses recherches ont fini par le convaincre : le principal problème de l’Ecole, c’est son organisation pyramidale qui bloque la créativité des acteurs, l’expérimentation pédagogique et éducative, et finalement l’innovation. Alain Bouvier réveille les thèses défendues par le sociologue Michel Crozier dans La crise de l’intelligence (1998). Mais l’auteur ne s’arrête pas là, il faut aussi un rêve, rejoignant ici Edgar Morin, celui d’une école humaniste, qui refuse de séparer instruction et éducation, qui s’adapte à son temps, au numérique et à une demande sociale d’horizontalité, une école plus démocratique et « apprenante », capable de repenser la forme scolaire (une classe, une heure, un professeur) et de promouvoir la coopération au sein de la communauté éducative, capable encore d’être  à l’écoute des parents et des besoins des élèves. « Dans l’école de mes rêves, la pyramide sera enfin inversée ! Le terrain ne sera plus sous le joug que la puissante technostructure française, rigide, injonctive, dominatrice et sûre d’elle-même » (p. 298)

Un ouvrage stimulant

Pensées sur l’éducation d’Alain Bouvier peut se lire de deux façons, soit par chapitre, soit en picorant. L’auteur propose un ouvrage à mi-chemin entre l’essai et le dictionnaire notionnel avec de nombreuses entrées. On pourra s’agacer de certaines formules un peu vaches (5) ou ne pas partager, par exemple, l’avis de notre expert qui défend les préconisations de la Cour des comptes pour réformer l’Ecole (6). Pas sûr en effet que la contractualisation d’une partie des enseignants soit une piste heureuse pour améliorer l’école, au quotidien sur le terrain les perdirs vivent le contraire avec des tensions sur le recrutement et un affaiblissement de la qualité des enseignements.

Au final, Alain Bouvier signe un ouvrage érudit et stimulant, porteur d’un message simple : à l’heure du numérique et de l’intelligence artificielle, l’Ecole de la République doit se réinventer en misant d’abord sur l’intelligence collective ! Pour l’ancien recteur, la baisse du nombre d’élèves - en raison de générations moins nombreuses – fait surgir une occasion unique pour s’occuper du « qualitatif ». Espérons que cet appel soit entendu !

 

 (1)« En France, la moitié des élèves interrogés se sentent mal au collège ; cela peut-il nous laisser indifférents ? (p.24) 

(2) « Selon l’enquête PISA, les élèves français sont un sur deux à se plaindre du bruit dans les classes.»

(3) « Les parents se tournent vers les officines commerciales dont le chiffre d’affaires avoisine 2 milliards d’euros.»

(4) « Selon les instances internationales, le différentiel du temps d’enseignement entre la France et les pays développés serait de plus d’une année scolaire en défaveur de nos élèves sur l’ensemble de leur scolarité primaire ! Idem pour le collège ; donc au total deux années d’écart ! (…) En revanche, le nombre d’heures d’enseignement par jour est plus élevé en France que dans les autres pays. »

(5) Alain Bouvier est auvergnat… comme l’auteur de ses lignes !

(6) Notons que « la Cour des comptes déplore que « l’enseignement privé, aux trois quarts financé par des fonds publics, échappe au contrôle de l’Etat ». p. 262

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