Les réseaux sociaux sont cruels. Depuis deux jours, on peut lire les témoignages de collègues qui s’autofélicitent légitimement de leur réussite au concours de chef d’établissement, et parfois affichent leur insolent succès avec des notes qui donnent le vertige (18, 19, 20…) ; les autres, les silencieux s’interrogent : comment ai-je pu échouer aussi près du but alors que j’avais une chance sur deux de devenir perdir ?
C’est ici que le travail réflexif commence, qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? Plusieurs explications sont possibles :
-Je n’avais pas des connaissances assez solides sur l’établissement scolaire, les missions des personnels de direction, le système éducatif ou l’actualité de l’École.
-Je n'ai pas su convaincre lorsqu’on m’a proposé des études de cas, j’ai manqué de méthode ou de savoirs d’action pour proposer une réponse satisfaisante.
-J’ai débuté mon oral par un exposé poussif relatant ma carrière professionnelle et mes motivations.
-Je n’ai pas réussi à prendre ma place dans les échanges avec le jury en me laissant enfermer dans une posture d’élève plutôt que de futur pair.
Et puis, la dernière cause, la plus redoutable : « c’est ma personnalité » qui a bloqué, sans que je sache pourquoi.
Tête de l’emploi
Si vous n’avez passé le cap en raison d’une préparation écrite ou orale insuffisante, il n’y a rien de grave ! Vous apprendrez de vos erreurs et vous réussirez le coup d’après. Il faudra dégager le budget-temps nécessaire et mieux vous former. L’absence d’une culture solide trahit une motivation hésitante.
Si, c’est votre personnalité qui a déplu, alors là c’est plus compliqué, car le jury a en tête un idéal de chef d’établissement et c’est à vous de vous en rapprocher. Aucune profession n’échappe à la typification, aux stéréotypes, « à la tête de l’emploi ». On n'imagine mal le jury recruter un candidat(e) qui manque d’assurance, qui procrastinera alors que l’urgence commande de décider, un individu peu curieux et peu informé de l’actualité de l’École, un candidat qui a peu d’empathie pour les élèves et les parents, qui manque d’humilité, n’écoute pas les autres, ne comprend pas les enjeux du travail d’équipe ou de la réflexion collective et croit avoir réponse à tout. Enfin, le jury écartera encore un candidat(e) qui cherche à plaire à tout prix, dissimule sa personnalité, n’est pas sincère et qui ne sera ni loyal ni fiable.
Des chercheurs américains se sont demandé comment on recrute « les talents » dans le secteur de la finance, ils ont fini par conclure que la question, après l’entretien, que se posaient les recruteurs, c’était « est-ce que j’irai bien boire une bière avec lui à la fin de la journée de travail ? » Autrement dit, le recrutement fait appel aux émotions, la qualité de l’interaction et des échanges lors de l’entretien est essentielle.
Faire évoluer sa personnalité
Dans un article de Sciences Humaines, le psychologue Michel Hansenne (1) rappelle plusieurs points. Les traits de personnalité « se stabilisent progressivement jusqu’à 30 ans. On a tendance à devenir moins anxieux, plus agréable, mais aussi plus introverti et plus organisé (…). Il est difficile d’établir un lien entre la personnalité et l’intelligence, excepté en ce qui concerne l’ouverture. La curiosité, la créativité et l’exploration de nouveaux concepts, caractéristiques des personnalités ouvertes, ont un impact positif sur le fonctionnement cognitif. La consciencieusité, bien que n’étant pas directement associée à l’intelligence, favorise la réussite académique. (…) La personnalité joue un rôle sur nos relations sociales. Une personne extravertie et ouverte sera friande de nouvelles rencontres et aura tendance à cultiver de larges réseaux de connaissance ou d’amis distincts les uns des autres. De même, l’agréabilité induit des relations sociales chaleureuses, attentives à l’autre, et permet de garder le contact avec des personnes issues de réseaux différents. »
Puisque l’écrasante majorité des candidats aura dépassé les 30 ans, s’il y a bien un effort à faire, c’est de développer les activités (artistiques, culturelles, associatives, professionnelles, amicales …) qui participent à renforcer certains traits de notre personnalité comme la consciencieusité, la créativité, la curiosité, l’agréabilité ; tout ce qui contribue à faire de vous une personnalité ouverte aux autres, à gagner en assurance et en leadership. C’est par l’expérience sociale et professionnelle qu’on peut agir sur soi en se dotant de nouveaux répertoires d’action, en cultivant des compétences jusqu’ici ignorées. Avoir la « tête de l’emploi », cela peut aussi se travailler !
Enfin, rappelons avec Hansenne cette vérité « C’est surtout parce que la personnalité teinte la manière dont les individus perçoivent et vivent les évènements qu’elle influence le bien-être ». S’il y a bien, après un échec, une compétence à renforcer pour réussir le concours l’année suivante, c’est la résilience, la persévérance et l’optimisme, trois qualités qui seront très utiles dans sa future vie professionnelle !
- Michel Hansenne, La personnalité en quatre questions, in Sciences Humaines, Mars, 2023