La note de synthèse. Quelques erreurs à éviter
Nous avions proposé, en guise d’entraînement, de rédiger une note de synthèse à partir de l’excellent dossier proposé par la revue Sciences Humaines (L'Ecole, les grands enjeux). Il s’agissait de montrer que malgré les inégalités persistantes, l’Ecole avait accompli ces dernières années des progrès. En effet, le chef d’établissement comme représentant de l’Etat, ne peut pas adopter le discours décliniste présent dans les médias, chez les personnels et dans l’Opinion. Etre lucide sur les difficultés de l’Ecole de la République ne doit pas conduire à passer sous silence les progrès accomplis, les réussites ou les chantiers en cours qui permettent d’espérer des résultats. Et puis, c’est aussi une question de posture professionnelle, si on pense que « tout est cuit », il ne faut pas passer le concours car, parmi les inflexions structurelles actuelles, le renforcement de l’autonomie pédagogique et du pouvoir d’action des équipes devient une priorité, c’est dans ce sens qu’un fonds pour l’innovation pédagogique de 500 millions d’euros a été débloqué par le ministère.
Des erreurs à éviter
Voici quelques-unes des erreurs que j’ai rencontrées dans deux écrits de collègues qui m’ont sollicité pour un retour.
Une note de synthèse oblige à sélectionner l’information pertinente et à une économie de mots. Cela signifie concrètement qu’il faut éviter les phrases longues et creuses. Si votre propos n’apporte aucun élément informatif et ne fait pas progresser la réflexion, supprimez-le. Exemple « Le ministère de l’Éducation nationale était parmi les premiers à faire l’objet d’un remaniement au lendemain de la réélection d’Emmanuel Macron en tant que Président de la République ».
En matière d’argumentation, on ne doit laisser au lecteur le sentiment d’une affirmation gratuite ou non sourcée. Exemple « Si l’École s’est massifiée, elle n’a pas réussi à se départir de sa dimension élitiste qui se fait également ressentir dans le choix des options et filières ». Ici, on affirme, ce qui est vrai, qu’il y a eu une massification de l’École, mais cela n’est pas justifié, par une donnée. Pourtant, la France compte 2 millions d’étudiants, les jeunes Français arrêtent leurs études en moyenne à l’âge de 20 ans et 83 % d’une génération atteint, aujourd’hui, le niveau baccalauréat. Toute affirmation doit s’accompagner d’une justification (exemples, statistiques, citations). Notre collègue fait le lien entre élitisme et orientation mais là encore il n’argumente pas de façon robuste et ne précise pas que l’élitisme scolaire est en fait surtout un élitisme social et genré. En effet, les grandes Écoles scolarisent peu de boursiers et les formations scientifiques (Écoles d’ingénieurs, classes prépa), qui permettent d’accéder aux emplois les plus rémunérés, recrutent davantage de garçons, même si on peut nuancer pour les études de médecine où les femmes sont majoritaires.
Un autre écueil concerne le choix des termes mobilisés. Exemple « L’École a donc tout intérêt à faire réussir tout le monde, à commencer par les plus fragiles. Elle s’y attèle d’ailleurs activement en tentant de mettre en œuvre des politiques et un certain nombre d’actions pour résorber ces inégalités. » Voilà, le type de phrase à proscrire qui ressemble à un échange entre amis plutôt qu’à un écrit argumenté. Je vous propose la correction suivante « Parce qu’elle place au cœur de ses missions l’égalité des chances, l’École doit mettre en place des politiques éducatives susceptibles de corriger les inégalités de parcours entre les élèves des catégories sociales favorisées et les élèves boursiers ou scolarisés dans des établissements ayant l’Indice de Position Social le plus faible. »
Le lexique mobilisé dans la note de synthèse doit mobiliser les termes techniques, scientifiques ou juridiques, cela suppose de la part du candidat d’apprendre à parler « une nouvelle langue », celle des cadres de l’École et des chercheurs. La fréquentation de la littérature grise (rapport de l’inspection générale, notes de synthèse de la DEPP, …) et des articles ou ouvrages des chercheurs en sciences sociales est incontournable pour développer cet écrit expert.
Pour conclure
Rappelons quelques exigences. D’abord sur la forme. (1) Ne pas abuser des mots de liaison (ainsi, cependant, mais, en effet, enfin, etc.), ils alourdissent le style. (2) Eviter le style indirect et les subordonnées inutiles. Exemple « Les études ont montré que la distribution d’équipements permettait de réduire les inégalités socioprofessionnelles » Correction proposée « La distribution d’équipements informatiques permet, selon les dernières études, de réduire les inégalités d’apprentissage entre les élèves de catégories sociales différentes. » (3) Enfin, tout acronyme doit être explicité. Si vous citez PISA, vous devez préciser Programme international de Suivi des Acquis, vous pourrez ensuite utiliser le sigle autant que nécessaire.
En l’absence de sujet zéro, difficile d’être précis quant aux attentes du jury. Toutefois, on peut rappeler les qualités recherchées : esprit de synthèse (savoir sélectionner l’information pertinente), esprit critique (savoir mettre en perspective ses propres représentations ou la doxa populaire), capacité à convaincre à partir de justifications solides (exemples, données, citations), esprit de rigueur (savoir définir les termes employés) et expertise (mobiliser les concepts, avoir des connaissances solides). On attend encore des candidats des qualités de communication, c’est-à-dire une expression écrite fluide, structurée autour d’un fil conducteur ou encore une calligraphie lisible et une orthographe maîtrisée (attention aux accents, aux accords ou aux mots avec des traits d’union, par exemple vis-à-vis). Une autre qualité est attendue : le pragmatisme car, outre les capacités de synthèse, il s’agira aussi de faire des propositions d’actions concrètes et adaptées à un type d’établissement scolaire. La note de synthèse sera contextualisée, on vous demandera de la rédiger en tant que chef d’établissement, et elle aura un destinataire : directeur académique, professeurs, représentants du conseil d’administration, etc.
Au final, rien n’a vraiment changé, il s’agit pour les membres du jury d’identifier à l’aide d’un écrit les candidats qui ont commencé à acquérir une posture, des connaissances et des compétences d’un cadre de l’Ecole.
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