Les valeurs de l'Ecole

Quand on parle de l’Ecole, c’est souvent pour affirmer qu’outre la transmission de savoirs savants, le rôle des professeurs consiste à transmettre et faire partager des valeurs. On cite la liberté qui suppose de développer chez les élèves un esprit critique, l’égalité qui s’exprime par le refus de toute forme de discrimination (racisme, sexisme, homophobie), ou encore la fraternité entre pairs, avec le combat contre le harcèlement scolaire. Mais ici l’Ecole n’est envisagée que comme une institution de la République, on oublie que l’Ecole est aussi un service public et une organisation professionnelle.

Avec la Poste, l’Ecole est le premier service public de proximité, et à ce titre l’Ecole obéit à une triple exigence. D’abord, l’universalité, elle est présente sur l’ensemble du territoire et elle a vocation à scolariser – au moins jusqu’à 16 ans – tous les enfants et adolescents. Continuité, c’est au nom de cet impératif que les mairies doivent assurer l’accueil des enfants ou que les établissements scolaires restent ouverts en période de grève ou de pandémie. Neutralité, les maîtres comme les professeurs doivent ne pas utiliser leur fonction pour diffuser leurs convictions, et s’ils sont amenés à « parler politique » dans leurs cours ils doivent présenter la pluralité des points de vue et se garder de trancher « ce qui fait débat ». Si les élèves ont besoin d’avoir des repères, ils n’ont en effet pas à être endoctrinés. Mutabilité, ce principe est le moins connu, il signifie que le service public doit s’adapter aux besoins de la société, concrètement l’Ecole n’est pas au service d’elle-même ni de ses professionnels mais au service de l’intérêt général défini dans un cadre démocratique.

Si l’Ecole-Institution et l’Ecole-Service public font « bon ménage » sur le plan des valeurs, un conflit axiologique peut naître lorsqu’on s'intéresse à l'Ecole-Organisaton. A titre d’exemple, un lycée qui recherche la performance scolaire va sélectionner ses élèves et promouvoir une forme d’élitisme chassant les plus faibles vers d’autres établissements, abandonnant souvent au passage l’exigence de mixité sociale. Pour maintenir chaque année de bons résultats, la Direction peut être tentée de mettre la pression sur les professeurs, générant – comme chez les élèves – son lot d’exclus de l’intérieur selon l’expression de Bourdieu. Mais les valeurs de l’Ecole-organisation ne sont pas nécessairement synonymes de compétition ou d’exclusion, aujourd’hui l’accent est mis sur la cohésion des équipes ou l’intelligence collective. L’Ecole n’a, en effet, pas été épargnée par la multiplication des situations de souffrance au travail et d’épuisement professionnel, la prévention des risques psychosociaux (RPS) est désormais un des objectifs de la gestion des ressources humaines de proximité, les cadres y sont de plus en plus sensibilisés et le ministère a décidé de mettre en place un baromètre national.

L’enjeu des années à venir, c’est justement de trouver un nouvel équilibre entre l’Ecole-Service public, l’Ecole-Institution et l’Ecole-Organisation. La question des finalités du système éducatif semble redevenir, à l’occasion des présidentielles, une question centrale. C'est une excellente nouvelle car chacun pressent que l’Ecole du XXI va connaître de profonds changements et qu’il est urgent de clarifier à quelles valeurs obéit l’Ecole, et singulièrement l’Ecole-Organisation ! L’Ecole centralisée et bureaucratique a sans doute fait son temps ! Le contrat que l’Ecole passe avec la Nation doit être mieux explicité, notamment si on se donne comme ambition d’attirer les jeunes « talents » ou de nouveaux profils dans les années à venir et de mieux répondre aux besoins des territoires.

Tag(s) : #Système scolaire
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