L’Ecole de la République n’appartient à aucun camp pédagogique ou politique, le point de repère des personnels de direction reste les élèves, leur réussite et leur épanouissement.
Un candidat, professeur d’économie-gestion, me demande des conseils, il envisage de passer dans trois ans le concours de chef d’établissement.
Avoir trois ans devant soi peut sembler luxueux. Néanmoins, compte tenu des compétences à acquérir c’est bien d’anticiper. Et puis, s’il y a un point commun à tous les cadres, c’est bien celui-là : ils se projettent sur un horizon de plusieurs années, parfois sur toute une carrière.
Bien connaître le métier
Pour débuter sa préparation, il faut commencer par lire le rapport du jury, véritable mine. Il faut surtout se demander sérieusement si ce métier est « fait pour moi ». Cela passe par un travail - stylo à la main - sur le référentiel des personnels de direction, par un petit bilan à la lumière des compétences attendues, par une interrogation sincère sur ses motivations mais aussi par la rencontre de plusieurs chefs d’établissement ou adjoints. On peut, en effet, se faire une idée erronée du métier en se basant seulement sur l’observation de ses supérieurs hiérarchiques, surtout si on a toujours travaillé dans le même type d’établissement (collège, lycée ou LP). La vision du métier est contingente, elle est bornée par notre expérience personnelle et la qualité de nos interactions avec les personnels de direction. Pour en sortir des rencontres avec des chefs d’établissement s’imposent. Il suffit de solliciter un entretien en expliquant qu’on veut passer le concours. Les chefs d’établissement aiment parler de leur métier, ils le feront avec plus de sincérité si l’interlocuteur habite et travaille un peu loin. L’objectif est de découvrir des réalités différentes : collège rural ou urbain, lycée Professionnel industriel ou tertiaire, LEGT favorisé ou mixte socialement. Les cultures d’établissement et les publics scolaires ne sont pas identiques, cela impacte les problématiques auxquelles sont confrontés les personnels de direction.
Expert et manager
Bien connaître et comprendre le métier de chef d’établissement ne suffit pas, il faut renforcer sa connaissance du système scolaire et de l’organisation d’un établissement scolaire. Ces savoirs s’acquièrent par la pratique en siégeant dans les différentes instances (CA, CVL, CESC, …), ils s’acquièrent aussi par la lecture en suivant de près les réformes impulsées par le Ministère, en lisant les rapports des inspections générales ou les études de la Direction de l'Evaluation, de la prospective et de la Performance (DEPP). Le travail de veille est ici essentiel car le rôle des personnels de direction est d’indiquer « la direction », de piloter le changement. Outre un abonnement indispensable au bulletin officiel (BOEN), de nombreux sites (et pas seulement le Café pédagogique) permettent de suivre l’actualité. On peut encore se rapprocher d’une association comme Education et Devenir ou l’AFAE qui organisent des colloques et publient des revues de qualité.
Un chef d’établissement n’est pas seulement un expert de l’Ecole c’est d’abord une femme ou un homme d’action, pleinement investi(e) professionnellement. Il a une vision d’ensemble, il pilote des projets, il s’intéresse à la communication, aux locaux, au budget, il tisse des partenariats, etc. Ces nouvelles compétences, ce nouvel habitus professionnel peut être acquis par l’engagement dans le tissu associatif ou dans la vie de sa commune. Beaucoup de chefs d’établissement font de la politique ou militent dans des associations. Et puis, c’est une excellente façon de s’ouvrir, d’apprendre à travailler avec des individus, des acteurs ou des institutions qui obéissent à d’autres logiques et à d’autres valeurs.
Esprit critique et optimisme
Enfin, l’actualité le montre avec le vif débat entre partisans des meurosciences et partisans des sciences de l’éducation pour étayer les réformes de l’Ecole. Les candidats aux concours doivent s’intéresser de près à la question des apprentissages. La lecture des auteurs de référence est nécessaire car le changement est souvent promu au nom des « résultats de la recherche » et légitimé par la rationalité instrumentale : augmenter la performance ou la valeur éducative. Les futurs personnels de direction doivent prendre un peu de recul pour utiliser demain leur marge d’autonomie, « les vérités éducatives » font souvent long feu ! L’Ecole de la République n’appartient à aucun camp pédagogique ou politique, notre point de repère reste les élèves, leur réussite et leur épanouissement.
Devenir un cadre de l’Ecole ce n’est pas devenir « un bon petit soldat » qui abandonne tout esprit critique - comme le ressasse le syndicat majoritaire des professeurs - mais un manager de terrain et un cadre intermédiaire qui essaie, avec les équipes, de faire au mieux avec les ressources dont il dispose (compétences des personnels, ressources financières ou matérielles, budget temps). Vis-à-vis des réformes et des modes pédagogiques, le pragmatisme s’impose mais une conviction demeure : l’Ecole est un bien en soi ! L’optimisme est encore nécessaire, il s’appuie sur une éthique : croire dans l’éducabilité de tous les élèves et dans la vertu émancipatrice de l’Ecole.