Statistiques
La lecture du rapport du jury - publié tardivement cette année - est toujours intéressante. Pour le concours C2 – rappelons qu’en 2018 les deux concours C2 et C1 seront fusionnés – le profil type du lauréat est une femme professeure certifiée dotée d’une licence ou d’une maîtrise qui passe le concours pour la première fois et qui est âgée de 42 ans. Devenir personnel de direction c’est donc entamer une véritable seconde carrière, la féminisation de l’éducation nationale gagne l’encadrement intermédiaire. Côté chiffres peu de surprise, le taux de sélection est grosso modo d’un pour cinq, les candidats ont une chance sur trois d’être admissibles puis, l’écrit franchi, une chance sur deux d’être admis. En 2017, le taux de réussite aux deux concours (18,8%) s’est redressé légèrement avec 316 candidats de moins et 10 postes de plus (580). Les personnels d’éducation (CPE) réussissent un peu mieux le concours que les personnels enseignants : 21,3 % contre 19,2 % pour les professeurs du second degré et 17,3 % pour les collègues du 1 er degré. A l’épreuve orale (coefficient 2), les conseillers d’éducation peuvent s’appuyer sur une meilleure connaissance du fonctionnement de leur établissement car ils sont associés aux réunions de pilotage et sont plus présents dans les instances des EPLE, notamment le conseil d’administration, le comité d’éducation à la santé et citoyenneté (CESC) ou le conseil des délégués pour la vie lycéenne (CVL). Une statistique interpelle : parmi les candidats 1 052 ont déclaré « faire ou avoir fait fonction », près d’un candidat sur quatre – chiffre à mettre également en relation avec les 13.000 personnels de direction. Pourtant leur taux de réussite est faible, pour 1 008 « faisant fonction » au C2, on décompte seulement 176 lauréats (17,5 %) contre 404 admis pour 2 907 « autres candidats » (13,9 %). Une conclusion s’impose : faire fonction ne donne statistiquement aucun avantage… sauf pour les faisant fonction admissibles à l’oral dont le taux de réussite dépasse 55 % contre 48 % pour les autres candidats. Noyés sous les exigences d’un métier qu’ils découvrent, les faisant fonction préparent peu ou mal l’écrit, première étape du concours. Leur expérience peut parfois leur desservir quand ils considèrent que ce qu’ils vivent dans leur établissement peut être généralisé à tous les EPLE !
Critiques et conseils
Les rédacteurs du rapport du jury le soulignent eux-mêmes, ce sont toujours les mêmes critiques et les mêmes conseils qui sont prodigués aux candidats. Deux insuffisances majeures sont récurrentes : la méconnaissance de son établissement (DGH, budget, indicateurs de pilotage, …) et du système éducatif, de son organisation et de sa gouvernance. Les candidats ont, par exemple, du mal à définir le rôle du recteur ou à préciser les liens entre l’Education nationale et les collectivités territoriales. Le premier degré ou l’enseignement supérieur sont aussi peu connus et on imagine que beaucoup de candidats maîtrisent mal l’offre de formation n'étant pas capables de citer les différents bacs technologiques (STI2D, STMG, STL, ST2S, ST2A, STAV, STHR ou TMD) ou de faire la différence entre un bac techno et un bac professionnel (22 semaines de stage de la seconde à la terminale). La méconnaissance de l’actualité de l’Ecole est encore soulignée, et plus grave le manque de compréhension des logiques qui sous-tendent les réformes en cours (la personnalisation, l’orientation active, l’égalité des chances, l’autonomie pédagogique, la décentralisation, la convergence des politiques publiques dans le cadre européen, etc) ou la difficulté à définir les valeurs de l’Ecole républicaine. La veille éducative et la prise de recul sont pourtant nécessaires, c’est bien là le rôle des chefs d’établissement d’indiquer aux équipes la « direction », de donner du sens aux mutations et au changement pour qu’il soit désirable. Comme l’a bien résumé la rectrice de l’académie de Toulouse lors d’une journée consacrée au décrochage scolaire : « puisque la répétition ne marche pas, nous n’avons pas d’autre choix que d’innover ! »
Bibliographie
Malheureusement, le rapport du jury ne tire pas la conclusion qui s’impose en proposant une bibliographie. Certes, les candidats sont orientés vers les rapports de l’inspection générale, les ressources en ligne, les sites du ministère ou de l’Ecole Supérieure de l’Education Nationale. On les invite encore à lire mais sans plus de précision des ouvrages de sociologie de l’éducation ou relatifs aux politiques publiques. Le jury redoute le formatage mais l’absence de bibliographie ne donne pas aux candidats les outils pour se former par eux-mêmes alors que le rapport 2017 répète cette exigence, y compris pour les candidats inscrits dans les préparations académiques. La publication récente d’extraits ou de copies ne s’est pas accompagnée « d’effets pervers » alors pourquoi l’invitation à lire les sociologues ou d'autres auteurs reconnus pour la qualité de leurs travaux en produirait ! Une bibliographie aurait le mérite de fixer une exigence : il faut lire, se documenter et faire de la veille quand on aspire à devenir "le premier pédagogue de l’établissement". Ce serait aussi un outil précieux pour les personnels de direction en poste qui n’ont pas toujours le temps de faire le tri dans les nombreuses publications. Si le chef d’établissement est d’abord au quotidien « un manager », il doit aussi être reconnu pour son expertise de l’Ecole. La lecture des différents numéros d’Administration et Education, revue de référence où se croisent praticiens et chercheurs, est une exigence.