Critères de performance
Jean-Paul GINESTET a été pendant plusieurs années proviseur du lycée Saint Exupéry de Blagnac (Haute-Garonne). Son projet est simple : décrire la richesse et la complexité de l’action éducative et pédagogique déployée par les équipes d'un établissement, richesse qui échappe au regard statistique et distant de l’Inspection académique et du Rectorat. Quand le directeur académique pilote la politique éducative le nez collé sur les indicateurs et des nuages de points qui cartographient les EPLE les uns par rapport aux autres, les chefs d’établissement pilotent leur établissement en cherchant des réponses pragmatiques et humaines aux difficultés d’apprentissage et d’orientation des lycéens. Ainsi, Jean-Paul GINESTET raconte les scolarités chaotiques de quelques élèves et comment en acceptant de redonner une chance à un décrocheur ou en accompagnant un élève vers une orientation plus adaptée, il « accepte » - faute de pouvoir le faire partager à sa hiérarchie - une baisse des indicateurs de performance de son établissement, soit parce qu’il « laisser filer » un élève dans une autre structure (c'est donc un échec !), soit parce qu’il scolarise un élève qui a peu de chances d’avoir son bac en trois ans !
Une bienveillance… déresponsabilisante
Les critiques de l’auteur concernent encore les slogans ministériels et les appels récurrents à « une bienveillance » qui vise à culpabiliser les professionnels de l’éducation oubliant que toute réussite éducative suppose que l’élève et sa famille se mobilisent un minimum. L’’échec – surtout quand l’Ecole déploie des trésors de patience et un accompagnement individualisé sans faille – ne peut pas être imputé à l’établissement scolaire. Dans les circulaires ministérielles comme le note Jean-Paul GINESTET, on parle rarement du « travail des élèves », l’élève paresseux et agité a disparu : « l’ignorance volontaire de la paresse représente une forme de démagogie et de refus d’en attribuer une part de responsabilité à l’élève ne me semble pas relever de la bienveillance ni de l’attention ».
Critiques constructives
Si Jean-Paul GINESTET fait des indicateurs et du « harcèlement textuel » le fil conducteur de son livre, l’auteur développe toujours une critique constructive. Il milite en effet pour l'essor des lycées polyvalents (LPO) pour favoriser la mixité sociale et offrir des passerelles entre différentes voies de formation (générale, technologique et professionnelle) d’égale dignité. Il propose de mieux penser les usages du numérique en matière pédagogique, il invite encore l’Administration centrale à enrichir les critères d’évaluation des établissements en prenant en compte le travail éducatif au quotidien et les contraintes des EPLE: « des postes d’enseignants non pourvus à la rentrée, des remplacements non assurés pendant plusieurs semaines au cours de l’année scolaire peuvent obérer la qualité de l’enseignement ».
La lecture de cet ouvrage permettra aux candidats au concours de direction de « vivre » une année au lycée, de s’approprier ses différentes étapes (accueil des élèves et des personnels, mise en œuvre des différents dispositifs, conseils de classe, préparation de la rentrée suivante, orientation des élèves, examens, etc ) et, surtout, de s’enrichir du savoir-faire et « du tour de main » d’un chef d’établissement expérimenté.
Puisque le lycée est la prochaine étape de la Refondation pour la gauche, puisque l'Ecole est une priorité pour la droite, on aimerait - comme son auteur - que cet ouvrage puisse nourrir la réflexion des futurs responsables du ministère de l’Education. D’évidence, le rôle, les missions et l’évaluation des établissements scolaires doivent être redéfinis et repensés; voilà un beau chantier.