Dans un rapport publié en 2015, les inspections générales (IGEN et IGAEN) ont cherché sur la base d’une enquête auprès de 71 établissements à mieux comprendre les facteurs de réussite des établissements scolaires. Les indicateurs de valeur ajoutée des lycées (IVAL), publiés pour la première fois en 1994, ont permis de dépasser les seules données brutes des résultats au baccalauréat et de mesurer la capacité de chaque établissement à faire réussir ses élèves, une fois neutralisés les biais liés aux catégories socioprofessionnelles des parents, aux parcours des élèves (leur âge) et, depuis 2008, au niveau d’entrée en classe de seconde (notes aux épreuves finales du brevet). L’inspection générale observe que les deux tiers des lycées généraux et technologiques ont une valeur ajoutée comprise entre + 3 et - 3 tandis que son amplitude peut atteindre + 20 ou – 20 pour les lycées professionnels.
Performance gloable
La valeur ajoutée des lycées est appréciée à travers l’écart entre les taux attendus et les taux réalisés pour la réussite au bac ou la proportion d’élèves de seconde ou première qui décrochent un diplôme à l’issue de leur scolarité. Le rapport le rappelle : si les indicateurs visent à rendre compte « du fonctionnement et des résultats du système éducatif » au grand public, ils ont d’abord comme objectif d’aider les établissements à améliorer « l’efficacité de leur action et la réussite des élèves », d’interroger « leur efficacité propre ». La mesure de la valeur ajoutée a permis pour partie de contrebalancer les classements de la presse uniquement établis sur le taux de réussite au bac ; ainsi de nombreux lycées ont pu communiquer sur leur performance globale alors que leur réputation pouvait être très contrastée sur leur territoire.
Les inspecteurs généraux se sont attachés à identifier les facteurs de réussite en enquêtant auprès des établissements à valeur ajoutée positive ou négative. Leur étude a permis de conforter une hypothèse forte : il n’existe pas UN modèle de lycée général ou professionnel performant qu’on pourrait reproduire et transposer, pas plus qu’il n’existe UN facteur clé de réussite. En matière d’éducation, la standardisation taylorienne n’est donc pas une solution.
Equipes soudées et réflexion pédagogique
Néanmoins, les lycées performants partagent des caractéristiques communes. La Direction impulse une politique volontariste en faveur de la réussite de tous les élèves, et notamment les plus fragiles. La cohésion des équipes enseignante ou de vie scolaire est forte, de véritables synergies existent et la réflexion pédagogique peut se développer et se traduire concrètement autour de pratiques communes : suivi des élèves, travail donné, prévention de l’absentéisme, etc. Les établissements sont capables de souder ses professionnels autour d’un projet et d’une culture d’établissement exigeante et bienveillante. La taille du lycée comme son environnement peuvent être d’incontestables atouts, les lycées de taille intermédiaire de villes moyennes sont statistiquement plus efficaces. L’offre de formation peut être également un facteur de réussite, les lycées polyvalents disposant de sections générales, technologiques et professionnelles peuvent proposer des poursuites d’études adaptées à chaque élève.
Effet direction
L’Inspection générale s’est particulièrement interrogée sur « l’effet chef d’établissement » mais elle ne conclut pas dans le sens de l’omnipotence du proviseur ou du « patron », elle préfère parler « d’effet direction ». En effet, le gestionnaire contribue aussi à la réussite des élèves en étant attentif au cadre de vie (propreté, entretien des bâtiments, qualité de la restauration, internat,...) ; les adjoints jouent un rôle en étant coresponsables de l’organisation et de l’animation pédagogique, de l’orientation ou du suivi des classes. Les conseillers principaux d’éducation par leur capacité à combattre l’absentéisme et à promouvoir le volet éducatif de l’établissement jouent aussi un rôle majeur, sans oublier pour les lycées professionnels le rôle déterminant du chef des travaux – désormais directeur des études techniques – dans la promotion des filières et les liens avec les entreprises.
Au final, et ce n’est pas une surprise, l’équipe de direction élargie ou l’équipe de pilotage joue un rôle important dans la réussite dans la durée d’un établissement mais l’effet direction ne fait pas disparaître le facteur « enseignant ». Les chefs d’établissements le rappellent de façon récurrente « une direction mobilisée » ne fabrique pas nécessairement « des équipes pédagogiques engagées » car les routines pédagogiques et les traditions d’établissement évoluent lentement. D’ailleurs, c’est une difficulté que souligne le rapport : la rotation parfois rapide des personnels de direction fragilise la construction d’une politique d’établissement, les enseignants ont souvent exprimé cette critique. Le ministre actuel plaide pour une durée de 5 ans.
30 variables
Près de 30 variables ont été identifiées par l’Inspection générale. Le rapport met en lumière la congruence des facteurs de réussite. Les lycées performants développent une stratégie globale, ils sont mobilisés autour des questions pédagogiques, d’orientation, de climat scolaire, d’ouverture culturelle ou internationale et n’oublient pas de valoriser « la vie de l’élève » avec des rites (bal de terminal, carnaval, concours des élégances,...) ou des instances (CESC, CVL) dans lesquelles la parole lycéenne peut s’exprimer. L’Inspection générale propose une approche exhaustive des facteurs de réussite, la question des moyens n’est pas oubliée : le rapport précise que les lycées performants ont un rapport H/E (nombre d’heures d’enseignement divisé par le nombre d’élèves) ou E/D (nombre d’élèves par division) légèrement supérieur à la moyenne. Enfin, l’Inspection générale s’étonne que les IVAL soient peu connus des professeurs alors que ce sont des indicateurs incontournables pour engager un travail réflexif avec les équipes en conseil pédagogique.
Voilà un rapport que les personnels de direction devraient s’approprier comme, du reste, les candidats au concours qui doivent connaître les différents « leviers de réussite » d’un établissement public local (EPLE). Si les personnels de direction ont donc bien une impulsion à donner c’est d’abord celle-là : mettre à disposition des équipes éducatives et pédagogiques des outils – et pas uniquement les IVAL - pour mesurer les résultats du lycée et créer des occasions de construire des actions ou des régulations pour renforcer la réussite des élèves. C'est tout le défi de l’auto-évaluation des EPLE et du travail en équipe autour de l'élaboration d’un projet d’établissement ambitieux et partagé.
Le rapport de l'GEN et de l'IGAEN